Eve Christian météorologue, journaliste et vulgarisatrice scientifique, chroniqueuse à la radio de Radio-Canada et amie de Bernard, présente ci-dessous les défis et aux beautés que la météo en haute montagne peut cacher. C’est sa façon à elle d’accompagner Bernard dans son périple vers le toit du monde.

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Les vents de l’Everest

Le toit du monde se situe à 8 850 mètres ou 29 035 pieds mais, en plus, il semble qu’il « grandit » à un rythme annuel de 3cm.

Sur l’Everest, du côté du Tibet, une partie du paysage s’élève distinctement au-dessus des terrains environnants. Ce « plateau Tibétain », dont la hauteur peut dépasser l’environnement d’une distance variant entre 100 et 1 000 mètres, est l’un des plus grands et des plus hauts plateaux du monde. Il s’élève à 4 km au-dessus du niveau de la mer et se « rapproche du ciel » à un taux que l’on estime équivalent à près d’un cm par année. Des scientifiques chinois pensent que certaines parties de ce plateau ont un taux de croissance encore plus rapide; en fait, dix fois plus qu’il y a un million d’années.

Une orographie aussi imposante que l’Himalaya, ou même les Rocheuses, fait dévier les vents à différents niveaux de l’atmosphère, affectant les systèmes météorologiques près du Népal, mais aussi quelquefois, tout autour du monde. Les vents sont forcés d’obéir à la courbe montagneuse (à suivre dans une prochaine chronique), soit en la remontant ou en la descendant; et la déviation causée par le Mont Everest dépasse 25 000 pieds, rejoignant ainsi la région du courant-jet.

Mais qu’appelle-t-on « courant-jet » ou en anglais « jet stream » ?

C’est une région de l’atmosphère où le vent est maximal. Ce courant, caractérisé par de grandes vitesses, est normalement situé au niveau de la tropopause, i.e. à environ 10 000 m; cependant, la nuit, il est possible qu’un courant-jet se forme dans des niveaux plus bas de l’atmosphère. Généralement, ces forts vents se déplacent de l’ouest vers l’est au-dessus des latitudes moyennes. Pour être appelés courant-jet, les vents doivent être d’au moins 95 km/h et peuvent atteindre jusqu’à 300 km/h. Le courant-jet sert normalement de séparation entre l’air froid (au nord) et l’air chaud (au sud).

Voici un exemple bien de « chez-nous ». Lorsque l’hiver est doux dans le sud du Québec, c’est parce que le courant-jet se retire vers le nord du Canada. Il n’est cependant pas rare, lors d’un hiver rigoureux, de voir le courant-jet plonger jusque sur le golfe du Mexique, amenant ainsi de l’air froid jusqu’au centre des États-Unis.

Souvent, à l’intérieur même du courant-jet, il y a des zones où le vent est encore plus fort qu’aux alentours. Ces régions jouent un rôle important dans la formation des précipitations et des dépressions

Un courant-jet, d’une force d’ouragan, souffle presque toute l’année sur le sommet rocheux et glacé de l’Everest. D’ailleurs, les observateurs du plus haut point du globe peuvent s’en rendre compte à la longue écharpe blanche faite de cristaux de glace qui s’étend dans le firmament à partir du sommet. Mais, les visiteurs téméraires doivent connaître le moment où ce mont est le plus invitant : au début du mois de mai, le courant-jet se déplace vers le nord au-dessus du Tibet, poussé par l’arrivée de la mousson.

Bernard et son équipe ont donc mis toutes les chances de leur côté… souhaitons-leur des vents… « sympathiques » !

 

Le « capuchon » de l’Everest

Il se peut que Bernard et Dorjee rencontrent de spectaculaires stratus qui naissent à partir de l’orographie particulière d’une haute montagne telle que l’Everest. Quels sont-ils et comment sont-ils formés ?

La nature offre vraiment un spectacle hors du commun pour ceux qui réussissent à se rendre au sommet du monde…

Formation d’un nuage capuchon

Lorsque le vent souffle sur le flanc d’une montagne, une bulle d’air s’accumule créant une haute pression d’un côté de la montagne. capimgPar effet de balancier, une baisse de pression de l’autre côté, sur le versant à l’abri du vent, sera donc induite.

Tout le monde sait (hum, hum…) qu’une zone de basse pression combinée à un taux d’humidité suffisant crée de la condensation et forme des nuages. Ces status, surnommés « nuages capuchon » ont donc l’air « accrochés » au sommet de l’Everest.

Qui sait, Bernard pourra les comparer à ceux qu’il rencontrera au mont Cervin, dans les Alpes, ou ailleurs dans le monde, lors d’une prochaine expédition…

« Faisait-il froid au sommet de l’Everest à 8 850 mètres d’altitude? »

Cette question fut posée des centaines de fois à Bernard depuis qu’il a atteint le toit du monde le 5 mai 1999. Il nous a répondu : « La température au sommet était d’environ -40°C. Dû à la raréfaction (diminution de la pression) d’oxygène, la sensation de froid est amplifiée. On n’arrive pas à se réchauffer. Nos gestes sont lents. . . on ne peut pas courir sur place!!! À cette altitude, notre respiration appelle un grand volume d’air et tout cet air est très froid. »

« Au retour du sommet, on doit passer la nuit au col Sud, à 8 000 mètres d’altitude, au camp IV. Exténué, épuisé, le froid est saisissant. Heureusement, le plaisir d’avoir réussi arrive à me réchauffer le cœur et l’esprit. »

 

Les différents types de nuages

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Refroidissement éolien

Le Service National de la Météo et les Services météorologiques canadiens utilisent maintenant une nouvelle formule afin de calculer le refroidissement éolien. Cette nouvelle formule procure une valeur de refroidissement éolien plus réaliste que l’ancienne formule utilisée, qui date de 1973 (basée sur une recherche de 1945).

Ce nouvel indice, calculé à chaque heure, provient des relevés de température et de vent du Service National de la Météo. L’ancien indice utilisait des vents mesurés à une altitude 10 mètres, là où ils sont généralement plus forts. La nouvelle formule utilise cette même mesure mais les réduit à la vitesse de vents situés à 1,5 mètre d’altitude. Ceci donne comme résultat des données moins basses que celles calculées avec l’ancien indice.

 

Tableau de calcul du refroidissement éolien

tableau_meteo
  • T air = Température réelle de l’air en °C
  • V10 = Vitesse du vent en km/h (telle qu’indiquée dans les observations météo)
  • En gris :Risque de gelure grave en cas d’exposition prolongée
  • En bleu : Gelure grave possible en 10 minutes (si la peau est déjà froide, la durée peut-être plus courte).
  • En rouge : Gelure grave possible en moins de 2 minutes (si la peau est déjà froide, la durée peut-être plus courte).